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L’HYPNOSE : UN ENGOUEMENT CROISSANT

Le 19 juillet 2018 par Doctisia Santé

Entretien avec le Dr Olivier ARON *
Chirurgien-dentiste et hypnothérapeute

Doctisia : L’hypnose prend progressivement sa place parmi les prises en charge alternatives. Qu’apporte-t-elle de différent ?

Dr Olivier ARON : On ne peut plus considérer l’hypnose comme une « alternative » à d’autres techniques d’abord du psychisme ou de la thérapie à proprement parler. Elle est devenue, dans son développement, un « outil » à part entière, d’une efficacité souvent extraordinaire et qui conduit à des résultats particulièrement rapides.

L’histoire a retenu Sigmund Freud comme le père de la psychanalyse. Elle a oublié que Freud avait pratiqué l’hypnose et ne l’avait abandonnée que sur un malentendu lié aux expériences de Charcot, qui présentait l’état hypnotique chez ses patientes hystériques comme la reproduction en état de transe des manifestations somatiques de l’hystérie. A la fin de sa vie, il déclarait qu’il n’y avait de véritable thérapie que par l’hypnose.

Il est intéressant, y compris pour le néophyte de se pencher sur l’histoire de l’hypnose, depuis Messmer, en passant par l’école de Paris, Bernheim, Milton Erickson, père de l’hypnose médicale moderne, François Roustang et tant d’autres.

On y présente, à travers une historicité foisonnante et toujours mobile, que l’hypnose est un tout ontologique, une porte singulière ouverte sur la dimension holistique de l’être humain. Elle débouche sur une véritable écologie thérapeutique.

Ses domaines d’applications sont tellement vastes que dans certaines situations cliniques, elle est devenue ou devrait être incontournable.

Chaque fois que le psychisme est engagé dans un processus de souffrance, l’hypnose peut constituer la porte d’entrée privilégiée et directe vers l’inconscient. C’est sans doute la voie d’accès la plus efficace et rapide pour accéder à l’inconscient, au corps et aux émotions qui conditionnent largement ce que nous sommes et la façon dont nous nous comportons dans notre environnement.

Elle est également très utile dans le traitement ou le contrôle de certaines douleurs et comme puissant vecteur de sédation. L’hypno-sédation et l’hypno-analgésie font actuellement une entrée remarquée dans les services hospitaliers, aussi bien en peropératoire qu’en post-opératoire ou en soins palliatifs.

La particularité de l’hypnose c’est qu’elle permet de shunter les messages conscients qui bloquent l’accès à l’inconscient et parasitent nos interactions avec notre environnement ou nos réactions face aux messages envoyés par notre propre corporalité.

Doctisia : De nombreuses professions médicales ont ajouté l’hypnose à leur arsenal thérapeutique. En tant que chirurgien-dentiste, utilisez-vous régulièrement l’hypnose ?

Dr Olivier ARON : Les chirurgiens-dentistes sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à l’hypnose.

Elle répond à un double objectif, qui consiste d’une part à permettre à des patients anxieux, nauséeux, phobiques ou parfois présentant des contre-indications à l’anesthésie locale, de vivre leurs soins dans des conditions de sécurité psychique et de parfait confort, et d’autre part de créer les conditions pour le praticien et l’équipe soignante d’un travail réalisé dans une atmosphère de calme et de tranquillité.

La pratique de l’hypnose amène le praticien à changer sa façon de s’exprimer, de communiquer et lui impose de reconsidérer la façon dont il écoute ses patients.

Elle permet aussi de traiter certaines para-fonctions comme le bruxisme.

Pour être efficace pendant les séances de soins, idéalement, le chirurgien-dentiste et son assistante doivent être formés ensemble. Mais il est tout à fait possible de pratiquer l’hypnose pendant les soins dans la mesure où le binôme praticien-assistante exerce en harmonie, permettant ainsi à l’équipe d’induire chez le patient une dissociation dans un espace sécurisé.

Docteur Olivier ARON / © Docteur Olivier ARON

Doctisia : Quels intérêts et bienfaits sont recherchés grâce à l’hypnose ?

Dr Olivier ARON : Ils sont multiples et aussi divers qu’il y a d’indications aux techniques hypnotiques.

L’hypnose, à travers la transe, met en œuvre une véritable ingénierie chimique dans le corps. Elle contribue à la libération de neurotransmetteurs de l’analgésie, du plaisir et du bien-être (notamment les endorphines, la sérotonine, la dopamine ou encore l’ocytocine).

À l’inverse, les états de stress provoquent la libération du cortisol et des catécholamines dont les effets sur le corps, s’ils permettent de mettre le système naturellement en alerte face à une difficulté ou un danger, finissent par être destructeurs lorsque l’inadaptation foncière à l’environnement génère un stress chronique.

Elle est donc en elle-même un bienfait pour le corps et l’esprit. C’est la raison pour laquelle la pratique de l’autohypnose permet, avec des exercices simples, des gains de confort et de bien-être très intéressants.

Il faut noter que les états modifiés de la conscience, que l’on rencontre dans d’autres disciplines, comme la méditation ou la sophrologie provoquent les mêmes mécanismes biochimiques. Il y a d’ailleurs des exercices et des pratiques très voisines, en quelque sorte des ponts qui s’établissent entre ces méthodes et l’hypnose.

Mais au-delà de la multitude des mécanismes biochimiques qui contribuent directement au plaisir et au bien-être, l’hypnose ericksonienne dispose d’un grand nombre d’approches thérapeutiques adaptées à un éventail très large d’inadaptation de l’individu à son milieu environnant. Or c’est cette inadaptation et une focalisation du sujet sur sa souffrance, qui rendent l’existence pénible, voire insupportable.

Fondamentalement les techniques hypnotiques médicales visent à rétablir une harmonie entre un sujet et son environnement d’une part, et à remettre de la cohérence chez un individu réifié.

Globalement l’hypnose permet de réaccorder le sujet et son environnement, de sortir de la focalisation aliénante et douloureuse sur une difficulté, une souffrance, ou de la délivrer de certaines croyances, d’emprises, plus généralement de le projeter vers un changement, chargé de davantage de cohérence, de paix et de bien-être.

Elle a également des effets induits liés au métabolisme biochimique, stimulant par exemple l’immunité. Il a par exemple été démontré qu’elle favorisait la production de lymphocytes killers, impliqués notamment dans la lutte naturelle de l’organisme contre les cancers.

Elle favorise également la prise de conscience du corps.

Doctisia : Le champ des indications de l’hypnose s’avère très vaste. Pouvez-vous citer quelques troubles qui pourraient en bénéficier ?

Dr Olivier ARON : Les indications sont en effet multiformes.

L’accès direct à l’inconscient permet d’envisager des solutions à d’innombrables troubles psychosomatiques ou pathologies fonctionnelles, souvent lié à des contextes de stress, d’anxiété chronique ou résultant de psycho-traumatismes non résolus. Les symptômes sont aussi divers que l’eczéma, les troubles digestifs, les acouphènes, les céphalées, le « côlon irritable », les troubles du sommeil, la fibromyalgie, etc…

Elle permet aussi d’aborder avec de nombreux succès les addictions (drogues, tabac, médicaments, alcool, jeux, sucres…), les troubles du comportement alimentaire (obésité, boulimie, anorexie…), très souvent liés à des troubles de l’attachement (emprise, abandon, deuil…).

Elle est très souvent remarquablement efficace pour juguler les phobies.

L’accompagnement jusqu’à l’accomplissement du deuil est aussi fréquemment au cœur de la thérapeutique.

L’hypnothérapie s’avère être un outil particulièrement puissant dans la résolution des psycho-traumatismes (Post Traumatic Stress Disorder). Ils recouvrent aussi bien ceux de l’enfance (violences intra-familiales, incestes, voire des situations plus « anodines », mais vécues douloureusement par le sujet), que les accidents de la vie.

On peut citer encore les Troubles Obsessionnels Compulsifs, l’accompagnement des douleurs chroniques ou des traitements lourds (chimiothérapies par exemple) et bien sûr les troubles liés à l‘angoisse (qui est sans objet) ou à l’anxiété (réaction à un contexte nouveau ou imprévu, ou trouble de l’adaptation), certaines dysfonctions sexuelles, les altérations de l’estime de soi

Cette liste n’est pas limitative, tant la discipline, en plein essor s’attèle, régulièrement à de nouveaux chantiers d’expérimentation et d’investigation.

Doctisia : L’hypnose est-elle cependant à éviter face à certains problèmes de santé ?

Dr Olivier ARON : Il est impératif, devant tout symptôme physique ou d’ordre psychiatrique, d’éliminer préalablement une maladie organique ou psychotique, avant de prétendre accéder à une possible guérison par l’hypnose.

L’hypnothérapeute devra toujours se tourner vers le médecin traitant du patient qui le sollicite, lorsqu’il est confronté à un symptôme qui peut évoquer une pathologie organique ou à caractère psychiatrique.

Les états limites, la schizophrénie, la bipolarité ou des dépressions graves impliquant des risques d’autolyse ne sont pas des « terrains de jeu » pour l’hypnothérapie. Les risques de décompensation sont à considérer avec le plus grand sérieux.

L’hypnose en elle-même ne présente aucun danger, quand elle est pratiquée par des thérapeutes sérieux, et bien formés, qui ne prétendent pas excéder leur domaine de compétence.

La règle consiste à éliminer du champ de l’hypnose les pathologies organiques avérées et psychiatriques non équilibrées par le traitement médicamenteux. Le meilleur moyen de prévenir toute perte de chance pour un patient réside donc dans la coopération étroite avec le ou les médecins traitants, chaque fois qu’un symptôme évoque une possible pathologie qui relève de la médecine.

Mais en dehors des états psychotiques non équilibrés, le seul risque réel résulte du sentiment de toute puissance de certains apprentis sorciers, ou de l’insuffisance de culture médicale de certains praticiens. On peut alors aisément imaginer que dans ces conditions, des patients pourraient passer à côté d’un diagnostic, éventuellement sévère et partant, être privés d’un traitement médical ou chirurgical adapté.

© sylv1rob1 / Shutterstock.com

Doctisia : Il existe différentes techniques dans la pratique de l’hypnose. Certaines sont-elles plus adaptées selon la pathologie ?

Dr Olivier ARON : L’hypnose est d’abord une relation qui se crée entre le thérapeute et le patient. Le succès thérapeutique intervient dans le cadre d’une alliance thérapeutique, où rien n’est écrit par avance.

On pourrait dire sans risque de se tromper qu’aucun protocole n’est strictement adapté à une thématique particulière.

L’hypnose met en mouvement les ressources propres de chaque patient et déroule son processus en restituant au patient les éléments qu’il aura bien voulu confier au thérapeute. Il résulte de ce contexte thérapeutique très particulier que chaque patient se verra proposer des séances strictement adaptées à sa personnalité et au contexte dans lequel il évolue et avec lequel il interagit.

Il y a bien sûr des méthodes et des principes éprouvés qui définissent un cadre thérapeutique adapté à certaines situations. On n’abordera pas un deuil de la même façon d’une phobie. Mais dans le déroulement d’une thérapie, dans la plupart des cas, la difficulté ou la souffrance qui ont motivé la consultation et qui sont exprimées par le patient, cachent ou révèlent une cause ou un enjeu sous-jacents.

Le thérapeute devra par conséquent déployer un arsenal de techniques d’anamnèse pour débusquer le « vrai problème », avec son patient et mettre en œuvre une stratégie cohérente avec les objectifs déterminés de conserve.

La grande particularité de l’hypnothérapie, qui l’oppose à la démarche psychanalytique, réside dans la mise en œuvre d’un processus qui va directement à la recherche de solutions, à partir des ressources du patient, sans passer nécessairement par la case des explications, de la verbalisation et de la prise de conscience.

Mon Maître et ami, le Dr Victor SIMON avait coutume de dire que si la psychanalyse considère l’inconscient comme un « boulet » dont il faudrait se débarrasser, l’hypnothérapie ericksonienne, au contraire, l’utilise comme une « ressource » qui conduit aux solutions et à la guérison. C’est une approche fondamentalement opposée. Elle est rendue possible par l’accès direct à l’inconscient, que produit la transe.

Les meilleurs résultats cliniques sont obtenus chaque fois que la transe est alimentée par les propres représentations du patient, sa propre symbolique, ses propres métaphores, ses propres expériences.

On voir ici combien il est difficile de circonscrire des techniques ou des méthodes à la résolution de problématiques spécifiques. Même si l’on pourrait citer par exemple la « régression en âge », la « technique de ROSSI » et ses variantes ou « les métaphores », ces « techniques» peuvent s’entrelacer dans une même séance et seront adaptées à chaque patient.

Elles pourront également être utilisées dans différents contextes. Il est par exemple tout à fait pertinent d’utiliser une technique de ROSSI en tabacologie au cours de l’une des séances de sevrage, autant que pour traiter des troubles anxieux. Au même titre qu’une séance métaphorique pourra souvent être bien adaptée aux symptômes liés aux angoisses et effondre le trouble sans aborder sa cause profonde.

Chaque patient est l’occasion d’une nouvelle aventure partagée, éthique et bienveillante.

Doctisia : Comment se déroulent les séances ?

Dr Olivier ARON : Ici encore c’est extrêmement variable.

La première séance est généralement consacrée à l’anamnèse détaillée. Il s’agit autant de définir avec le patient les objectifs et le cadre de la thérapie, que de débusquer les problématiques et les enjeux sous-jacents. À ce titre, il n’est pas rare que les objectifs soient redéfinis après 3 ou 4 séances.

Les séances de thérapie alternent entre l’hypnose conversationnelle, les épisodes de transe et un échange thérapeutique où sont mises en mouvement d’autres approches psychothérapeutiques de la panoplie des « thérapies brèves » ou d’autres abords psychothérapeutiques (Thérapies Cognitivo-Comportementales, analyse pour certains cliniciens…)

En transe hypnotique, le patient reste toujours et à tout moment maitre de ses choix. Rien ne lui est imposé. C’est une distinction fondamentale avec l’hypnose de spectacle ou l’hypnose de rue (à éviter comme la peste…), au cours de laquelle le sujet n’est pas en état hypnotique à proprement parler, mais en état de sidération, sa volonté étant abolie !

L’hypnose ericksonienne s’inscrit dans un échange constant avec le thérapeute, au cours duquel le patient peut s’exprimer, répondre par des signes (signaling), alterner parfois veille et transe.

L’hypnose ericksonienne se caractérise d’abord par la totale liberté du sujet et ne peut opérer que dans le cadre de la confiance qui fonde l’alliance thérapeutique.

Les expériences en état hypnotique peuvent être assez courtes (15 à 20 minutes) ou beaucoup plus longues (1 heure), et s’intègrent à une consultation dont la durée dépendra du sujet à traiter, du contexte et de l’état d’avancement de la thérapeutique (phase initiale ou consolidation).

Doctisia : Le nombre de séances varie-t-il significativement en fonction du patient ou du trouble traité ?

Dr Olivier ARON : La thérapie brève, dont l’hypnose est un outil majeur, propose un cadre défini avec le patient. Sans vouloir être d’une précision mathématique, il est possible de définir ensemble le nombre approximatif de séances, selon l’objet de la consultation (et sa révision éventuelle en cours de thérapie).

Il excède rarement une quinzaine de séances et il n’est pas rare que 3 à 4 séances suffisent dans un grand nombre de cas.

Certains troubles peuvent parfois être traités en une séance.

En résumé, il y a effectivement de grands écarts, mais contrairement à toutes les autres approches psychothérapeutiques, la thérapie brève tend à limiter singulièrement le nombre de séances de thérapie.

Doctisia : Des exercices peuvent-ils être pratiqués par le patient pour maintenir un bénéfice obtenu grâce à l’hypnose ?

Dr Olivier ARON : L’autohypnose, enseignée par le thérapeute est sans conteste une des clefs du succès.

Pour autant, certains patients ne pratiquent que très peu leurs exercices à la maison et démontrent pourtant de remarquables résultats .

L’autohypnose permet de consolider des résultats, d’approfondir le changement et d’entretenir un rapport à son corps et au bien-être pendant la période thérapeutique.

Certains patients continuent à pratiquer certains exercices après la guérison et d’autres n’y pensent plus du tout.

À titre personnel, je demande à mes patients de pratiquer pendant la phase thérapeutique et je leur indique les bienfaits qu’ils peuvent retirer d’une pratique ultérieure, en prescrivant des exercices qui visent à entretenir un meilleur rapport à leur environnement.

Doctisia : Pouvez-vous donner une fourchette de tarifs pour une prise en charge par un praticien en hypnose ?

Dr Olivier ARON : Les honoraires en hypnothérapie varient en fonction des praticiens et des secteurs géographiques. Usuellement les tarifs oscillent entre 70 et 90 € par séance.

Dans ma pratique et afin d’être plus « juste », mes honoraires (80 €) sont facturées par heure, au prorata.

* Olivier ARON

Docteur en chirurgie-dentaire

Hypnothérapeute et Thérapies Brèves

https://olivieraron.fr

Photo de couverture : © lightwavemedia / Shutterstock.com

 

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